Pauline Lisowski. Mai juin 2022
Le philosophe Emanuele Coccia a participé à l’élaboration de l’expo- Halle de la Villette, Paris, 1999) qui m’a profondément marquée. C’est sition « Nous les arbres » à la Fondation Cartier en tant que conseiller sûrement là que j’ai eu envie de développer ma pratique sonore en scientifique (2020). Au musée de la Chasse et de la Nature, à Paris lien avec des éléments naturels. Depuis, je lis religieusement tous ses aussi, des rencontres entre l’artiste invité et des personnalités qui livres. G. A. Tiberghien m’a aussi beaucoup influencée, il a sûrement réfléchissent aux problématiques liées à la nature sont organisées. La
Fondation Thalie propose quant à elle le podcast Parole de créateurs face à la transition écologique.
Pour Cécile Beau 0978), Emmanuelle Briat (1973), Fabrice Cazenave (1975), Laurence Gossart et Morgane Porcheron (1990), La Vie des plantes d’E. Coccia est une grande source d’inspiration. C. Beau précise : « À la période de la lecture de l’ouvrage de ce philosophe,
je lisais aussi II existe d’autres mondes de P. Bayard. C’est suite à ces deux lectures que j’ai conçu l’exposition « La région vaporeuse » (Maison des arts, Malakoff, 2018). Son titre est d’ailleurs issu de La Vie des plantes. Entre monde parallèle et union des règnes, ces lec tures ont été le levier de ce projet. » Lélia Demoisy (1991) témoigne également : « Le besoin de connaître les matières que je travaille
en profondeur m’amène à lire des écrits de biologistes, botanistes, paysagistes parfois. Mais ils ne suffisent pas à justifier ce sentiment qui nous unit à toute chose vivante. […] Cela a donc été un réel plaisir de se retrouver confortée dans la lecture des textes d’E. Coccia. Des mots sont apparus là où il n’y avait qu’intuitions. Et de nouvelles manières de regarder sont nées. »
PHILOSOPHES, BOTANISTES, PAYSAGISTES
Les écrits de F. Hallé accompagnent les démarches de Duy Anh Nhan
Duc (1983), comme celle de Mathilde Wolff (1964) et Ursula Caruel
(1976), toutes deux membres de l’association Forest Art Project. pointe quelque chose d’important : à projeter des qualités sen- Le Détail du monde de R. Bertrand a également inspiré le travail sibles humaines sur le végétal on manque une vitalité qui nous est de dessin d’une grande délicatesse d’U. Caruel. Les réflexions du étrangère, à laquelle on ne peut avoir accès mais dont on ne peut paysagiste G. Clément suscitent également l’intérêt de nombreux
artistes attentifs à la vie des plantes, telles Morgane Porcheron
(1990), ou Laurence de Leersnyder (1979) qui nourrit ses recherches
en parcourant les écrits des biologistes G. Bœuf et M.-A. Selosse, du
botaniste M. Jeanson – notamment son livre coécrit avec Charlotte
Fauve, Botaniste -, et de P. Lieutaghi, auteur de la saga Auxorigines
des plantes. Le témoignage de Cécile Beau nous éclaire : « J’ai décou-
vert G. Clément lors de son exposition « Le jardin planétaire » (Grande
fait le pont entre ce paysagiste fascinant et le monde de l’art dans mon cheminement. Depuis, j’ai la chance d’avoir un grand jardin en devenir (potager, fruitiers, friche, bassin aquatique), qui me permet d’éprouver ces lectures. Cette « expérience végétale » au quotidien me nourrit et m’accapare joyeusement. »
Certains ouvrages confortent les artistes dans leur recherche en cours, voire les incitent à approfondir des expériences. Fabrice Cazenave (1975) affirme : « Renaissance sauvage de G. Logé et La Vie secrète des arbres de P. Wohlleben m’ont poussé à être plus audacieux, notam ment au travers de séries comme BlindLandscapes – où je m’immerge dans un lieu et me laisse envahir par ses flux, ses mouvements, où les sens s’affûtent pour entrer en résonance avec le vivant végétal autour de moi -, ou Herbiers, qui me demande une grande humilité pour faire le portrait de chaque plante choisie. » Si Valérie Crenleux (1973) puise des références dans les pensées de botanistes et de biologistes tels que F. Hallé et S. Mancuso, le livre La Fraîcheurde l’herbe. Une histoire d’une gamme d’émotions de l’Antiquité à nos jours d’A. Corbin l’a menée à concevoir la vidéo L’tntimité d’un brin d’herbe.