Emmanuelle Briat

Plasticienne végétale

Texte de Pauline Lisowski, critique d’art et curatrice

Février 2024
Nourrie de ses expériences au contact d’une nature luxuriante, encore quelque peu
épargnée par l’homme, imprégnée de souvenirs de renaissance d’un jardin familial en
Bretagne, Emmanuelle Briat noue une relation attentive et bienveillante avec le végétal.
L’artiste est à l’écoute des éléments naturels qu’elle rencontre au gré de ses déplacements,
de ses explorations de terrains et invitations à travailler in situ. Elle observe la capacité du
végétal à s’adapter suite à la domestication et au changement climatique. Fascinée par la
force des éléments naturels, des phénomènes qui peuvent reprendre le dessus, elle compose
avec des végétaux, des installations qui expriment la puissance du végétal à s’insérer, à
s’enraciner. Ses explorations de milieux qu’ils soient naturels ou aménagés par la main de
l’homme l’amènent à glaner des trésors naturels. Emmanuelle intervient autant dans des
intérieurs que dans des espaces à ciel ouvert, dans des contextes aussi bien urbains que
ruraux.
Les plantes nous survivront et leurs propriétés, leurs origines et développement ont encore
beaucoup à nous apprendre, nous dit Emmanuelle Briat. Ce temps de réflexion lui est
primordial. L’artiste garde profondément en elle des moments de vie en Afrique. L’usage de
matériaux naturels collectés et leur assemblage font écho à des techniques de constructions
ancestrales. En parcourant les lieux, en rencontrant et en faisant le tour de ses œuvres in
situ, nous pouvons ressentir une présence avec laquelle entrer en relation.
Lorsqu’elle intervient dans des lieux patrimoniaux, l’artiste enquête, étudie et prend le temps
d’apprécier l’architecture afin d’en déceler l’histoire de l’empreinte humaine. Elle donne
autant d’importance à la compréhension du lieu où elle crée qu’aux qualités intrinsèques des
éléments qu’elle prélève sur place. Ses découvertes de l’histoire du site, de son
aménagement paysager, de l’utilisation du végétal dans le passé et selon les cultures, sont à
l’origine de ses installations. À la fois tenues et décalées, celles-ci entrent en résonance avec
les éléments extérieurs. Emmanuelle collabore avec les végétaux. Certains sont récurrents tel
que le bambou, le saule, la clématite, le phormium, le « houx dégénéré », le lierre, employés
pour leur propriété à la fois solide et flexible. Ses sculptures et installations sont ouvertes sur
l’environnement dans lequel elles s’inscrivent. Les matériaux assemblés dessinent des
formes. Notre déplacement et notre curiosité sont alors sollicités. Au château de Seneffe, en
Belgique (2022), ses installations nous invitaient à appréhender le dessin du parc.
Passionnée, guidée par sa sensibilité, Emmanuelle Briat affine sa démarche et son travail du
végétal en étudiant les comportements des plantes. Elle est attentive à leur structure, à leur
mobilité et flexibilité. Le corps humain et le corps du végétal se relient avec douceur. Ses
œuvres rendent visibles les spécificités de ces êtres vivants tout en nous incitant à rêver et à
restaurer notre faculté de nous étonner au quotidien. Ses installations associent notamment
la géométrie, en écho à l’action humaine et l’organicité, l’irrégularité de la forme du végétal,
Flux # Reflux (Vign’art, Magenta, près d’Epernay, 2023). Depuis 2021, l’octaèdre apparait
dans son travail de plasticienne. Cette figure géométrique rappelle la structure du diamant. À
la fois souples et rigides, ses sculptures et installations jouent sur une tension, un équilibre
propre à l’écosystème. Certaines, telles La Maison chantante, (Marcoussis, 91, en 2021),
évoquent des habitats traditionnels. Leur présence suggère la force des phénomènes
naturels ainsi que la résistance des constructions. Récemment, lors d’une invitation au
château de Bosc (Aveyron, 2023), elle découvre les possibilités plastiques que permettent les
sarments de vignes.
En somme, ses installations invitent à être au plus près du végétal autant physiquement que
mentalement. Dans ses œuvres à l’échelle d’un lieu, les plantes semblent croitre sans limite,
à l’image de leur développement dans les milieux où celles-ci poussent à l’état naturel.
L’artiste poursuit cette approche par la création de scénographies végétales, associant
lumière, son et végétaux. Les curiosités naturelles, telles qu’elle les assemble, transforment
l’architecture du lieu. Les visiteurs sont alors plongés dans une atmosphère mystérieuse,
dans laquelle la nature semble foisonnante. Tel un voyage intérieur, cette expérience tend à
procurer des sensations et activer des souvenirs.
Depuis 2018, Emmanuelle Briat cristallise sa pensée et son attention à l’autre avec Manifeste
Naturel, projet en collaboration avec la danseuse Rozenn Dubreuil : une rencontre avec un
être végétal avec lequel entrer en relation. Des contacts, des caresses tendent à activer la
sensibilité du passant ou du spectateur. Cette œuvre, à la frontière entre les arts visuels et les
arts vivants, propose un moment de partage, de bienveillance envers soi et l’altérité. À
l’image de la symbiose, des interactions au sein d’un écosystème, Manifeste naturel, se
poursuit au croisement des disciplines dans une dynamique fertile.
La passion de l’artiste pour le monde végétal l’amène notamment à approfondir ses
connaissances sur les comportements des plantes. Ses œuvres activent en nous la possibilité
d’une écoute du langage du végétal. Elles rendent visibles des spécificités de la vie végétale
tout en nous invitant à rêver et à restaurer notre faculté de nous émerveiller au quotidien.
Ses projets nous inspirent ainsi une approche bienveillante envers le végétal.
Enfin, le travail artistique d’Emmanuelle Briat nous incite à interroger également les relations
entre l’élément naturel comme matériau, le lieu où il a été prélevé et le site où l’œuvre prend
vie.
Pauline Lisowski